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La
Comtesse de Ségur
1799-1874
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Voici le portrait
de celle qui fut autrefois la plus illustre habitante de Pluneret:
Sophie Rostopchine, comtesse de Ségur. En son temps écrivain français
-écrivaine française?- très célèbre, elle est un peu
tombée dans l'oubli, à cause de quelques intellectuels parisiens qui la
jugeaient sévèrement. De nos jours la tendance est plutôt à la réhabilitation...
Mais
qui était donc la Comtesse de Ségur? |
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Une
aristocrate
russe
de la plus haute origine: son père fut un ami du tsar et le gouverneur
de Moscou, celui-là même qui aurait mis le feu à la ville pour
contrarier les projets guerriers d'un certain Napoléon...
Une grand-mère
"gâteau"
un peu délaissée par son mari et qui s'ennuyait, qui a écrit par
amour de ses petits-enfants: elle en aura vingt, auxquels elle dédie
ses oeuvres. |

Le château de Kermadio, en Pluneret, où la Comtesse fit plusieurs
séjours. |
Une
écrivaine
à succès et
plutôt prolixe; bien qu'elle commence à écrire à plus de 50 ans,
elle est l'auteur de 25 ouvrages, dont les fameux romans, comme Les
malheurs de Sophie ou Diloy le chemineau ou L'auberge de
l'ange gardien.
Une dame
très "bien-pensante" qui,
comme le dit Maec Soriano, "prêche la morale de sa caste: respect
de l’ordre établi qui est manifestement voulu par Dieu, patience pour
les uns, générosité et bon vouloir pour les autres, antisémitisme et
horreur des parvenus, respect pour l’argent, etc..."
Cependant une fine
observatrice des choses et des gens,
qui sait raconter des histoires et mettre dans la bouche de ses
personnages des propos et des dialogues vivants, "naturels",
convaincants.
Et pour nous, Plunerétains, une
amoureuse de la Bretagne,
de ses paysages, de ses habitants, et
qui a choisi de reposer en terre
plunerétaine.
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Pour
ceux qui veulent en savoir plus,
voici quelques
liens sur la Comtesse:
http://perso.wanadoo.fr/ecole.comtesse/
l'école "Comtesse de Ségur" à Aube, dans l'Orne; c'est dans la commune d'Aube que se trouve le château des Nouettes, où vécut la
Comtesse.
http://comtessedesegur.ifrance.com/
LE site consacré à la Comtesse, complet, exhaustif, passionnant...
http://gallica.bnf.fr/classique/au_general.htm#_S
la BNF, pour télécharger
les oeuvres de la Comtesse
http://www.musee-comtessedesegur.com/
le musée,
à Aube, dans l'Orne
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Couverture d'une édition de 1930
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Il
faut -bien sûr- lire la Comtesse. Voici
un petit échantillon de sa prose, le début de "L'auberge
de l'ange gardien".Une histoire charmante et sentimentale, qui
enchanta nos jeunes années. (Mais: "Je vous parle d'un temps Que
les moins de cent ans Ne peuvent pas connaître...") Deux enfants, deux frères, Paul et Jacques, brutalisés
par la vie, abandonnés, puis recueillis, élevés et chéris par des
gens généreux et adorables..."Oh là là...que d'émotions!!!..."
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Il faisait froid, il
faisait sombre; la pluie tombait fine et serrée; deux entants dormaient
au bord d'une grande route sous un vieux chêne touffu : un petit
garçon de trois ans était étendu sur un amas de feuilles; un autre
petit garçon de six ans, couché à ses pieds, les lui réchauffant de
son corps; le petit avait des vêtements de laine, communs, mais chauds;
ses épaules et sa poitrine étaient couvertes de la veste du garçon de
six ans, qui grelottait en dormant; de temps en temps un frisson faisait
trembler son corps: il n'avait pour tout vêtement qu'une chemise et un
pantalon à moitié usés; sa figure exprimait la souffrance, des larmes
à demi séchées se voyaient encore sur ses petites joues amaigries. Et
pourtant il dormait d'un sommeil profond; sa petite main tenait une
médaille suspendue à son cou par un cordon noir; l'autre main
tenait celle du plus jeune enfant; il s'était sans doute
endormi en la lui réchauffant. Les deux enfants se ressemblaient, ils
devaient être frères; mais le petit avait les lèvres souriantes, les
joues rebondies; il n'avait dû souffrir ni du froid ni de la faim comme
son frère aîné.
Les pauvres enfants dormaient encore quand, au lever du jour, un homme
passa sur la route, accompagné d'un beau chien, de l'espèce des chiens
du mont Saint-Bernard.
L'homme avait toute l'apparence d'un militaire; il
marchait en sifflant, ne regardant ni à droite ni à gauche; le chien
suivait pas à pas. En s'approchant des enfants qui dormaient sous le
chêne, au bord du chemin, le chien leva le nez, dressa les oreilles,
quitta son maître et s'élança vers l'arbre, sans aboyer. Il regarda
les enfants, les flaira, leur lécha les mains et poussa un léger
hurlement comme pour appeler son maître sans éveiller les dormeurs.
L'homme s'arrêta, se retourna et appela son chien:
"Capitaine! ici, Capitaine
!
"
Capitaine resta immobile; il poussa
un second hurlement plus prolongé et plus fort. Le voyageur, devinant
qu'il fallait porter secours à quelqu'un, s'approcha de son chien et
vit avec surprise ces deux enfants abandonnés. Leur immobilité lui fit
craindre qu'ils ne fussent morts, mais, en se baissant vers eux, il vit
qu'ils respiraient; il toucha les mains et les joues du petit, elles
n'étaient pas très froides, celles du plus grand étaient
complètement glacées; quelques gouttes de pluie avaient pénétré à
travers les feuilles de l'arbre et tombaient sur ses épaules couvertes
seulement de sa chemise.
"Pauvres enfants! dit l'homme à mi-voix; ils vont
périr de froid et de faim, car je ne vois rien près d'eux, ni paquets,
ni provisions. Comment a-t-on laissé de pauvres petits êtres si
jeunes, seuls, sur une grande route? Que faire? Les laisser ici, c'est
vouloir leur mort. Les emmener ? J'ai loin à aller et je suis à pied, ils
ne pourraient me suivre.
Pendant que l'homme
réfléchissait, le chien s'impatientait; il commençait à aboyer; ce
bruit réveilla le frère aîné ; il ouvrit les yeux, regarda le voyageur
d'un air étonné et suppliant, puis le chien qu'il caressa en lui
disant :
Oh! tais-toi, tais-toi, je t'en
prie; ne fais pas de bruit, n' éveille pas le pauvre Paul qui dort et qui
ne souffre pas. Je l'ai bien couvert, tu vois; il a bien chaud.
-- Et toi, mon pauvre petit, dit
l'homme, tu as bien froid !
L'ENFANT
Moi, ça ne fait
rien; je suis
grand, je suis fort; mais lui, il est petit; il pleure quand il a froid,
quand il a faim.
L'HOMME
Pourquoi êtes-vous seuls ici
tous les deux?
L'ENFANT.
Parce que maman est morte et papa a
été pris par les gendarmes, et
nous n'avons plus de maison et nous sommes tout seuls.
L'HOMME
Pourquoi les gendarmes ont-ils
emmené ton papa ?
L'ENFANT
Je ne sais pas;
peut-être pour
lui donner du pain; il n'en avait plus.
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